Immobilier : appel contre la prolifération des expertises indignes

Immobilier : appel contre la prolifération des expertises indignes

février 24, 2013 Non Par admin
Article publié en mai 2004, au nom de l’associationA4, en appel à un séminaire organisé à l’école d’Architecture de Toulouse.
Immobilier : appel contre la prolifération des expertises indignes

Par Luc Baillet, architecte & formateur*

* Luc Baillet est Titulaire du siège de l’Ordre des Architectes au Conseil Départemental d’Hygiène du Nord et Co rédacteur de la norme AFNOR NFX46020

Pour un diagnostic décent !

Rien ne va plus dans le l’univers impitoyable du diag immobilier ! Coup sur coup, la fourmilière des « experts immobiliers » est secouée par trois évènements majeurs.

Fin décembre 2003, la rumeur se fait grosse : les notaires s’apprêtent à ne plus diffuser qu’une seule liste de diagnostiqueur, celle diffusée par le Conseil Supérieur du Notariat, établie sous le label « Qualicert ».

Seconde alerte, fin janvier 2004, un communiqué de la DGS interdit l’usage des appareils à tube (rayons X) pour le contrôle du plomb dans les peintures.

Enfin, l’échéance du 1er mars 2004 est là pour rappeler que tous les opérateurs attestés devront remettre leur rapport annuels sur l’activité 2003. Une circulaire du 10 décembre 2003 explique aux services de l’état comment mettre en place les premiers contrôles, à partir notamment des informations statistiques contenues dans ces rapports.

Depuis fin 2002, c’est plus de 5000 entreprises qui se sont créées ou réorientées dans ce secteur émergeant de l’économie immobilière.

On estime à 600 000 le nombre de cessions d’immeubles dont la grande majorité ont besoin d’un constat vente amiante, voir pour ceux construits avant 1949, d’un « Etat des Risques d’Accessibilité au Plomb » pour se présenter décemment devant le notaire.

Demain, ce sera à l’occasion de la signature des baux que ces obligations seront imposées. Ce sera alors quelques 2 millions de diagnostics qu’il faudra réaliser ou au moins vérifier chaque année.

La demande étant pressante, l’offre commerciale a attiré nombre d’opérateurs auto labellisés « expert immobiliers ». Afin de se préserver de recours potentiels, les notaires ont choisi la voie de la certification des diagnostiqueurs. En Avril 2003, le Conseil Supérieur a donc choisi l’organisme SGS pour bâtir un référentiel « Qualicert » adapté à l’activité de diagnostic immobilier.

Si l’idée est généreuse, sa mise en œuvre n’est pas sans poser quelques soucis. En décidant de publier les premières listes de cabinets certifiés, les notaires semblent indiquer que ceux-là présenteraient une meilleure garantie que ceux-ci, non certifiés Qualicert.

Or début Janvier, cette liste ne comportait qu’une cinquantaine de noms. Et tous n’étaient pas certifiés pour l’ensemble des diags concernés. Ce qui ajoute encore à la confusion.

Pour l’U.N.A.R.C., union des associations de responsables de copropriété, la qualification du service ne répond pas entièrement à la question qui les intéressent : le diagnostic est-il fiable, pertinent et complet ? Face à la déferlante des offres de services plus ou moins farfelues, l’UNARC lance une campagne de communication auprès des syndics appelée « 4 S » pour Santé – Sécurité – Sans excèS. Elle propose en annexe une grille d’audit pour évaluer la situation de chaque immeuble au regard de sa situation face à la réglementation.

Les contrôleurs techniques quant à eux sont des organismes agréés par décret ministériel et n’ont que faire d’une certification de service supplémentaire, même si leurs employés ont du obtenir une attestation personnelle de compétence d’ailleurs souvent délivré par leur propre service formation. Tous n’ont pas fait le choix de se doter d’un service « particulier » puisque jusqu’alors ils n’étaient habitués qu’à traiter des dossiers « professionnels » du type ERP, bureaux, commerce ou industrie. Norisko a franchi le pas en rachetant la franchise Alizé. Sa nouvelle direction rejette l’idée d’une certification supplémentaire.

De leurs coté les géomètres ont décidé de mener leur propre certification interne. L’Ordre des Géomètre Expert délivre aux cabinets investis dans ce domaine, une attestation après un audit indépendant du référentiel Qualicert.

L’expérience du CEBTP est également originale et propose une labelisation « APTE » aux stagiaires issus de ses formations après un contrôle supplémentaire, sur entretien et dossiers réalisés après les séances formatives initiales. Les « labellisés » disposent d’une assistance technique et réglementaire à distance, ainsi que la diffusion de leurs coordonnées auprès des notaires, DDE, DDASS.

Quant aux architectes, très peu se sont investis dans ce domaine, surtout depuis l’obligation de détention d’une attestation de compétence amiante. Quant certains revendiquent le droit de pratiquer le diagnostic « avant travaux » dans le cadre de leurs études préliminaires, ils se réfugient derrière leur diplôme et leur inscription au Tableau pour assurer qu’ils respectent de facto les règle de l’art. Ce que contesterai bien les organismes de contrôle technique…

Enfin les « experts en valeur immobilière » préservent leur image en refusant l’amalgame avec cette nouvelle activité plus technique, la laissant volontiers aux nouveaux mercenaires de tout poil.

D’autant qu’aucune disposition réglementaire ne prévoit à ce jour d’homogénéiser le dispositif du « diagnostic technique immobilier » ni son évaluation administrative complète, de manière contradictoire et incontestable. Seuls les ERAP concluant à une accessibilité au plomb dans les peintures dégradées sont transmis aux DDASS par les notaires.

Mais les services de l’Etat ont été vite submergés par l’afflux de ces diagnostics et les moyens déployés non pas suffi à traiter les signalements dans les délais impartis par le code de la Santé Publique. 10000 dossiers seraient en souffrance dans la Région Parisienne. On estime à 10 millions le nombre de logements bâtis avant 1948 concernés par la réglementation plomb.

 250 EXPERTS PLOMB EN CHOMAGE TECHNIQUE

La seconde secousse du landernau controlastique vient de la Direction Générale de la Santé.

Le 21 Janvier 2004, un communiqué laconique de 21 lignes interdit sans délais l’utilisation des « appareils équipés d’un tube à rayons X » pour la détection du plomb dans les peintures. L’abcès était pourtant apparu depuis le 15 septembre 2003, lors de la première présentation des résultats des études internes devant les professionnels de la métrologie plomb.

Quelques 250 détenteurs se retrouvèrent au chômage technique, dans l’attente de l’avis de l’AFFSE[1]

Une expertise complémentaire avait été commandée au Laboratoire National d’Etudes (LNE) dès le 24 septembre. Le rapport final publié fin janvier est daté du 23 octobre.

Il a fallut attendre près de trois mois avant d’en tirer cette conclusion : les appareils à tubes seraient moins fiables en cas de revêtement épais d’une peinture au plomb.

Dans l’urgence les professionnels concernés se sont organisés et devant tant d’émoi la DGS et l’équipement ont édicté une circulaire datée du 10 février qui tempère le propos.

En cas de diagnostic réglementaire, ordonné par le préfet, notamment suite au signalement d’un cas de plombémie par le Médecin Inspecteur Départemental, il ne peut être utilisé que des appareils à source radioactive. Par contre pour les ERAP réalisés en cas de vente du logement, l’opérateur indépendant pourra continuer à utiliser un appareil à tube mais sera obligé de pratiquer un écaillage de la peinture suspecte si celle-ci est recouverte d’un enduit épais.

Mais qu’en est-il alors des expertises déjà réalisées avec ces appareils incriminés ? La circulaire précise qu’il « n’a pas lieu de refaire les diagnostics et les ERAP réalisés antérieurement à la présente circulaire, en dehors de toute nouvelle transaction. ». Ce qui revient à demander aux notaires de s’enquérir du mode opératoire utilisé dans les ERAP en cours de validité et en attente d’ampliation pour l’acte authentique à venir.

 VERS UNE CHARTE DE QUALITE COLLECTIVE ?

Malgré toutes ces péripéties, la demande continue à être forte. Et le marché s’organise, les agents immobiliers l’ont bien compris. Certains ont décidé d’offrir le « pack-diag » en guise de bienvenue, d’autres vont même jusqu’à rembourser les diags réalisés par le vendeur !

Les prix ont fortement chuté depuis plus d’un an car la concurrence est rude.

Certains diagnostiqueurs offrent babioles à leurs client, d’autres mettent directement en place des ristournes auprès des donneurs d’ordre, voire organisent un concours du meilleur rabatteur de diags en offrant des voyage de rêve. Enfin certains n’hésitent pas à mentionner sur leur plaquette des agréments litigieux ou des recommandations usurpées au vu et au su de la DGCCRF. Qu’en est-il de l’enjeu de santé publique dans un tel contexte commercial que ne peuvent ignorer les autorités ?

Ne faudrait-il pas un véritable « guide de bonnes pratiques » issu d’un consensus de la société civil et des acteurs professionnels ?

C’est la question qui sera posée par « a4 », l’association des architectes acteurs de la remédiation amiante le jeudi 17 juin 2004, à l’occasion d’un séminaire organisé à l’Ecole d’Architecture de Toulouse[2]. et qui portera sur « Quelles formations initiales et continues à mettre en place pour assainir le milieu du diagnostic immobilier », comédie plus proche de l’époque de « la ruée vers l’or » que de la tranquillité d’un « Dimanche à la campagne ».

 


[1] Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale
[2] Séminaire « Diag-immob » jeudi 17 juin 2004 Contact : Tel : 03.20.588.670 /